État des lieux du bien-être financier des salariés dans un contexte de forte inlation
Travailler pour gagner correctement sa vie et éviter les fins de mois difficiles, c’est essentiel. Pourtant, face à l’inflation galopante, il semble que ce soit de moins en moins le cas pour nombre d’actifs. L’occasion de dresser le bilan du bien-être financier des salariés.
« Travailler, c’est trop dur… » chantait Julien Clerc. Cela dépend bien sûr des métiers et des emplois occupés, mais pour de nombreux Français, confrontés à une inflation pas toujours compensée par la hausse des salaires, le travail n’apporte pas toujours l’aisance matérielle escomptée.
Certes, après une inflation record à 5,2 % en 2022, le reflux est réel en 2023. Selon une note de conjoncture de l’Insee, l’inflation générale 2023 s’établira un peu au-dessus de 4 %. Dans le même temps, d’après une étude du cabinet de recrutement PageGroup, les salaires ont augmenté en moyenne de 4,5 % en 2023. Les augmentations médianes pour les plus bas salaires, les Oetams, (ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise) atteindraient même 7 %, contre 3 % pour les cadres.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf que… la hausse très rapide des prix de l’alimentaire et de l’énergie impacte significativement les plus faibles revenus. Toujours selon l’Insee, entre septembre 2022 et septembre 2023, les produits de l’alimentation ont subi une hausse de 9,6 %. En septembre dernier, la Première Ministre, Elisabeth Borne, annonçait quant à elle que la hausse des prix du gaz et de l’électricité s’établirait à 15 % en 2023.
Or ces deux postes budgétaires, l’alimentaire et l’énergie, sont aussi ceux qui pèsent le plus lourd sur les plus bas revenus.
Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 30 % des ménages les plus pauvres sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique.
De même, comme le souligne l’édition 2023 du Rapport sur les inégalités en France de l’Observatoire des inégalités, l’alimentation représente 16,4 % du budget des ménages ouvriers, contre seulement 13,5 % de celui des cadres. Les cadres mangent également plus de viande bovine, mais aussi 2 fois plus de légumes et de poissons frais.
Avec le retour de l’inflation, on assiste donc bel et bien au retour d’une fracture sociale jamais réellement résorbée.
Le revenu mensuel médian s’établit à 1 880 euros pour une personne seule, après impôt et prestation sociale (données 2020). De leur côté, les cadres touchent chaque mois 2 500 euros de plus en moyenne que les ouvriers et les employés.
4,8 millions de personnes (7,6 % de la population) vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté (fixé à 50 % du revenu médian), soit avec moins de 940 euros par mois. Face à l’inflation, la précarité gagne donc du terrain. Selon une étude menée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, le pouvoir d’achat global par unité de consommation baisserait ainsi de 1,2 % à 2 % selon les scénarios d’emploi et de dynamique salariale retenus pour 2023.
L’Insee a publié récemment une étude sur la situation financière des ménages au jour le jour. Elle est basée sur un panel anonymisé de 300 000 ménages ayant leur compte principal hébergé à la Banque Postale. Elle ne prétend donc pas à une représentativité absolue, mais permet malgré tout de disposer d’une vision globalement assez juste de la situation.
De manière générale, sur les 8 premiers mois de 2023, un quart des ménages percevant un revenu régulier sont à découvert la veille du jour de paie. Précision importante : ce risque de découvert concerne tous les ménages, y compris les plus aisés, même s'il reste naturellement plus élevé pour les ménages les plus modestes.
Une proportion non négligeable des ménages français se retrouve donc régulièrement dans une situation qu’on pourrait qualifier « d’urgence financière ». C’est pourquoi le lendemain du jour de paie, les ménages dépensent en moyenne 2 fois plus que les autres jours du mois.
Ce qui explique aussi que le risque de découvert augmente mécaniquement à mesure qu’on s’éloigne du jour de versement des salaires. Dix jours après la paie, 10 % de l’ensemble des ménages (mais 20 % des familles monoparentales) sont déjà confrontés au risque de découvert.
Face à cette situation, Rosaly a souhaité étudier le ressenti des salariés français face à la possibilité de percevoir facilement un acompte sur salaire. Les résultats de l’étude sont éloquents :
À noter que ces chiffres concernent toutes les catégories socio-professionnelles. 22 % des CSP + envisagent ainsi de recourir à l’avenir à l’acompte sur salaire . Ils sont également 60 % à préférer rejoindre une entreprise qui pratique facilement l’acompte sur salaire.
La généralisation de cet avantage bénéficierait bien sûr aux salariés. La mensualisation du salaire a été instaurée par la loi du 19 janvier 1978, dite loi de mensualisation. L’objectif à l’époque était d’assurer à tous un salaire égal, chaque mois de l’année, sans faire de différence entre les mois à 30, 31 ou 28 jours. Face à l’évolution sociétale, aux sollicitations toujours plus nombreuses de la société de consommation, à l’inflation, aux factures qui arrivent tout au long du mois, force est de constater que la mensualisation ne suffit plus.
Plus que jamais, le versement d’un acompte permet de mieux maîtriser son budget mensuel, mais aussi de faire face aux imprévus en évitant les frais supplémentaires liés au risque de découvert.Le versement facilité de l'acompte sur salaire renforcerait aussi l’attractivité des entreprises. Certains secteurs, comme le bâtiment, la restauration, les services à la personne, se caractérisent par des salaires bas, mais aussi par des difficultés d’embauche persistantes.
La possibilité d’apporter aux actifs de ces secteurs une plus grande flexibilité salariale constituerait indéniablement un atout, susceptible d’avoir un effet positif sur l’absentéisme et le turnover. De manière générale, dans un contexte économique tendu, l’acompte sur salaire constitue un argument évident en faveur de la marque employeur et contribue à renforcer l’engagement des collaborateurs au travail.
Le sentiment d’autonomie est un puissant facteur d’engagement. Or quelle plus grande autonomie que celle de maîtriser de son budget mensuel et de reprendre le contrôle de son argent ?